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de Fernand Mendez Pinto.

encore ſur terre. Alors comme nous fuſmes entierement ſatisfaits de nos Marchands, & preſts à partir, ie m’en allay, treuuer le Roy à ſon Paſſeiuan, qui est vne grande place deuant le Palais, où ceux du païs font leurs plus ſolemnelles foires. Là ie luy fis ſçauoir qu’il ne nous reſtoit plus rien à faire qu’à partir, s’il plaiſoit à ſa grandeur de nous le permettre ; l’accueil qu’il me fit alors fut fort bon, & il me dit pour reſponſe ; Ie ſuis grandement ioyeux de ce que Hermon Xabandar (qui eſt le Chef de la Iuſtice de guerre) m’aſſeura hier que la Marchandiſe de voſtre Capitaine auoit eſté bien venduë, mais poſſible que ce qu’il en diſoit n’eſtoit pas tout de bon, & qu’il eſpargnoit la verité pour me complaire, & pour s’accommoder au deſir qu’il reconnoiſſoit que i’en auois ; voila pourquoy, continua t’il, ie te prie de me declarer librement ſi ce qu’il m’en a dit eſt veritable, & ſi le Mahometan qui l’a amenée eſt entierement ſatisfait : car ie ne voudrois point qu’aux deſpens de mon honneur ceux de Malaca euſſent dequoy murmurer contre les Marchands de Panaaju, diſant qu’ils ne ſont point veritables en leurs paroles, & qu’il n’eſt point de Roy qui les puiſſe contraindre à payer leurs debtes ; & ie te iure par la foy de bon Payen, que cet affront ne ſeroit pas moins inſupportable à ma condition, que s’il m’aduenoit de faire la paix auec ce Tyran & parjure ennemy que i’ay, qui eſt le Roy d’Achem. À cela luy ayant reſpondu qu’aſſeurément nous auions fait toutes nos affaires, & qu’il ne nous eſtoit rien deu dans ſon pays ; certes, nous repliqua-t’il, ie ſuis fort content de ſçauoir que cela eſt ainſi. C’eſt pourquoy puis qu’il ne reſte plus rien à faire dans ces contrées, ie treuue à propos que tu t’en ailles, ſans t’arreſter dauantage. Car voicy vn temps grandement propre à faire voile, & euiter les grandes chaleurs qu’on endure ordinairement en paſſant le Golphe. Ce qui eſt cauſe que les Nauires ſont bien ſouuent iettées à Pazem par vne fortune de mer, dequoy ie prie Dieu qu’il te preſerue, car ie t’aſſeure que ſi la mauuaiſe fortune t’y portoit, les gens d’Achem te mangeroient tout vif à belles dents, & que le Roy meſme s’y employroit le premier, pource que la choſe du