Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/301

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comme je n’en doute pas, un excellent cœur, l’écorce en est furieusement rude !

BLOUNT.

Mister Jollivet, quand une bonne reporter anglaise quittait son pétrie, il devait emporter beaucoup de guinées, de bons yeux, de bons oreilles, une bonne estomac, et laisser son cœur dans son fémille !

JOLLIVET.

Et c’est ainsi que vous voyagez, monsieur Blount ?

BLOUNT.

Yes !… si vous permettez…

JOLLIVET.

Sans la moindre sympathie pour un confrère d’outre-Manche ?

BLOUNT.

Si vous permettez, mister Jollivet !… Et si vous permettez pas… ce était tout à fait le même chose !

JOLLIVET.

Vous êtes admirable de franchise et de bonhomie !

(Musique au dehors.)

LE GÉNÉRAL.

Si je ne me trompe, messieurs, ces Tsiganes qui ont demandé à se faire entendre au bal du gouverneur, vont commencer leur concert. Je vous engage à écouter cela ! C’est fort curieux !

JOLLIVET.

Certainement, certainement, général…

(Le général se dirige vers le salon et les invités se rapprochent de la porte. Blount et Jollivet restent en scène.)

JOLLIVET, s’asseyant.

Ma foi, il fait trop chaud par là, je reste ici. (Blount s’assied de l’autre côté, tire son carnet et se met à écrire.) Permettez-moi, monsieur Blount, de risquer une phrase toute française : Cette petite fête est vraiment charmante.

BLOUNT, froidement.

J’avais déjà télégraphié : « splendide », aux lecteurs du Morning-Post.

JOLLIVET.

Très bien. Mais, au milieu de cette splendeur, il y a un point noir. On parle tout bas d’un soulèvement tartare qui menace les provinces sibériennes !… Aussi ai-je cru devoir écrire à ma cousine…