Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/218

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Je conviens qu’il y paraît quelquefois ; mais le public en rit, et nous sommes faites, comme tu sais, pour le divertir.

Nous en demeurâmes là, parce que nous n’étions pas seuls. La conversation devint générale, vive, enjouée, et pleine d’équivoques claires. Chacun y mit du sien. La suivante d’Arsénie surtout, mon aimable Laure, brilla fort, et fit paraître beaucoup plus d’esprit que de vertu. D’un autre côté, nos maîtres et les comédiennes poussaient souvent de longs éclats de rire que nous entendions ; ce qui suppose que leur entretien était aussi raisonnable que le nôtre. Si l’on eût écrit toutes les belles choses qui se dirent cette nuit chez Arsénie, on en aurait, je crois, composé un livre très instructif pour la jeunesse. Cependant l’heure de la retraite, c’est-à-dire le jour, arriva : il fallut se séparer. Clarin suivit don Alexo, et je me retirai avec don Mathias.


CHAPITRE VI

De l’entretien de quelques seigneurs sur les comédiens de la troupe du prince.


Ce jour-là, mon maître, à son lever, reçut un billet de don Alexo Segiar, qui lui mandait de se rendre chez lui. Nous y allâmes, et nous trouvâmes avec lui le marquis de Zenette, et un autre jeune seigneur de bonne mine que je n’avais jamais vu. Don Mathias, dit Segiar à mon patron, en lui présentant ce cavalier que je ne connaissais point, vous voyez don Pompeyo de Castro, mon parent. Il est presque dès son enfance à la cour de Pologne. Il arriva hier au soir à Madrid, et il s’en retourne dès demain à Varsovie. Il n’a que cette journée à me donner : je veux profiter d’un temps si précieux ; et j’ai cru que, pour le lui faire trouver agréable,