Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/345

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« Je ne comprends pas, disait-il, ce qui peut l’avoir effarouché : mais d’où vient que, jusqu’aux oiseaux, tout répète Tarare, dès qu’on l’entend prononcer ? Celui-ci l’a pourtant dit de lui-même ; mais pourquoi me suis-je avisé de prendre ce nom en quittant le mien ? Est-ce pour l’aventure des pies ? Mais personne ne m’en croira, quand je la conterais toute ma vie ; et je ne sais si je la dois croire moi-même qui l’ai vue. »

Il marcha la plus grande partie du jour par des lieux stériles et inhabités, s’entretenant de mille différentes pensées, auxquelles Luisante avait souvent part ; mais elle n’occupait point son souvenir par ces longues et agréables rêveries où l’on aime à se perdre, quand on aime passionnément, dans ces beaux châteaux en l’air où les souhaits sont incomparablement mieux logés que le bon sens.

La nuit approchait ; il n’en pouvait plus de lassitude et de faim, lorsque, tournant les yeux de toutes parts, il aperçut une méchante chaumière au milieu de quelques broussailles ; il y trouva un bon petit vieillard et sa femme ; du reste, toutes les apparences d’un triste repas et d’un mauvais gîte ; mais, ayant bien autre chose dans la tête que le faste ou la bonne chère, il résolut d’y passer la nuit. Il fut bien reçu, car il leur donna plus d’argent qu’il n’en eût fallu pour acheter toute la maison. Le fils du logis arriva bientôt après, jeune gentilhomme aussi délabré qu’on en pût voir.

Il ramenait deux misérables chèvres, qui se mêlèrent à la compagnie, n’y ayant point d’autre appartement pour elles. Tarare prit de ces pauvres gens tout ce qu’ils lui purent donner de lumières pour l’entreprise qu’il méditait. Dès que