Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/400

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depuis qu’il y a eu des mariages au monde, jamais princes ne furent si bien mariés, et jamais mariées ne parurent si contentes.

Le calife, qui ne l’était guère moins, ordonna qu’on tirât tout le canon, qu’on fît des feux de joie à chaque coin de rue, des feux d’artifice sur la rivière et dans les places publiques, qu’on fît des largesses au peuple, et que le vin coulât de toutes les fontaines au lieu d’eau. À l’égard des magnifiques réjouissances de sa cour, il voulait s’en charger lui-même : c’était le premier prince du monde pour ordonner un festin. Mais, avant que de remonter au palais pour ces soins importants, Serène lui dit que la scène qu’elle venait de commencer n’était encore finie que par la récompense que méritait la vertu ; qu’elle sentait bien qu’il y avait quelque chose à faire pour la baguette de vérité.

On avait pensé oublier la sénéchale et sa confidente, tant l’allégresse publique remplissait tous les cœurs ; mais l’équitable Serène, qui n’oubliait rien, les toucha au front de son infaillible baguette. Toute la métamorphose qu’en souffrit la sénéchale fut de quatre doigts de fard qui lui tombèrent de chaque joue, autant du front, et deux fois autant de la gorge ; ce ne fut plus qu’une vieille ridée qui faisait mourir de rire dans la coiffure printanière qu’on lui avait laissée.

Mais la figure entière de femme more étant disparue, l’on vit celle de l’horrible Dentue, qui s’était cachée sous ce déguisement, animée par l’amour et la vengeance. Fleur d’Épine commençait à ressentir les frayeurs qu’elle en avait eues ; mais Serène, finissant bientôt ses alarmes : Sire, dit-elle, s’adressant au calife, le sort de ces misérables est entre vos mains ; c’est à vous à prononcer leur sentence.