Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/407

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beau m’étaler tous les dangers où l’on s’exposait auprès de ses yeux : quel danger, disais-je, que celui d’en être épris, et de mourir en les adorant, si on ne peut trouver grâce devant eux ? car je traitais de fable le poison mortel de ces regards éblouissants, dont on me faisait une description si merveilleuse, et dont on contait tant d’événements tragiques. Ce n’est point à Phénix, disais-je (flatté d’une vanité ridicule), ce n’est point à Phénix que l’éclat excessif de la beauté doit être fatal. Allons la chercher au travers de tous les périls chimériques qui l’environnent ; et, si les charmes ont un poison si redoutable, qu’elle en partage au moins la fatalité en voyant Phénix. Je ne vous fais ici, belle Luisante, l’aveu d’une vanité si ridicule que pour m’en punir par la honte que j’en ai.

« L’intérêt secret qui m’entraînait vers vous me fit négliger les précautions que demandaient tous les périls dont on me menaça, si je faisais choix d’une mauvaise route. Je me moquai de tout ce qu’on me dit de celle où la sorcière Dentue avait établi la scène de ses enchantements ; et, comme c’était la plus courte, je m’y embarquai témérairement, et m’en repentis bientôt.

« Je ne vous parlerai point des avis qu’on me donnait à mesure que j’avançais dans ce chemin. Je traversai des campagnes désertes, des rochers affreux ; et, après mille incommodités, je m’enfournai dans un bois, où mille monstres s’offrirent à mon passage pour me boucher le chemin.

« Je voulus faire le brave contre des griffons qui voltigeaient au-dessus de ma tête, tandis que des hydres et des léopards m’environnaient de tous côtés. Je mis l’épée à la main ; je crus avoir blessé quelques-uns de mes ennemis : mais,