Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/409

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« Ces réflexions étaient désagréables de quelque manière qu’on les pût tourner ; cependant l’endroit où je les faisais me parut enchanté. J’y vis les plus beaux fruits du monde, et surtout des figues qui me parurent délicieuses. C’était le fruit qui était alors le plus à mon goût ; j’en choisis une parmi les plus belles : je ne l’eus pas plus tôt cueillie, que j’oubliai mon inquiétude ; et, dès que je l’eus mangée, je m’endormis.

« À mon réveil, je me trouvai changé en oiseau ; la sorcière, dont les cris m’avaient éveillé, était auprès de moi, qui se désespérait d’une métamorphose qui ne convenait pas à ses desseins.

« Elle soupçonna Fleur d’Épine d’y avoir contribué, sans s’imaginer pourtant de quelle manière ; et elle jura qu’elle l’en punirait. J’entendais toutes ses plaintes et toutes ses menaces ; mais la vérité est que cette aventure me paraissait si surprenante, que je me flattais que c’était un songe, et j’attendais avec impatience qu’un favorable réveil me délivrât de ces horreurs. Je l’attendis en vain.

« La sorcière me prit sur le poing, me fit toutes les caresses qu’on peut faire à un oiseau, et me dit qu’il fallait avoir patience ; que dans huit ou dix jours elle aurait achevé certaine composition qui me rendrait ma première forme ; mais que je me gardasse bien de manger du sel, si par hasard j’en voyais. Elle me laissa dans ce beau jardin après ce discours, et après y avoir cueilli beaucoup d’herbes qui m’étaient inconnues.

« Jugez du désordre et de la consternation où cette aventure m’avait mis : je voulus déplorer mon malheur ; mais, au lieu de m’écrier : » Infortuné Phénix ! » je me mis à