Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/411

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me prît ; mais, au lieu de cela, il s’amusa à me considérer. Je me hâtai d’essayer l’effet du sel que j’avais caché ; mais il eut peur qu’il ne me fît mal. Je voulus l’avertir du danger où il était si près de la sorcière, et je fis un éclat de rire au lieu de parler. Ce fut alors que, dans l’admiration de ma figure et de mon plumage, il prononça par hasard mon nom en voulant me flatter. Je voulus lui dire : « Oui, mon cher frère, je suis Phénix » ; mais, au lieu de cela, je ne pus prononcer que « Tarare » ; et je me sentis contraint de m’envoler, quoique j’en fusse au désespoir.

« Deux jours après, au milieu des inquiétudes où j’étais pour la destinée de Pinson, j’entendis du jardin les hurlements effroyables de la sorcière.

« C’était vous, pour qui je craignais tant, mon cher frère, qui causiez son désespoir. Vous veniez d’enlever ses trésors et de désarmer sa fureur ; car la force de ses enchantements consistait dans sa jument et le chapeau dont vous étiez en possession. Ce fut alors qu’il me fut permis de voler vers sa demeure ; je ne pus y parvenir que dans le temps qu’elle revenait de vous poursuivre. Je fus témoin de sa rage et de ses regrets, dans un vieux chêne auprès de l’écurie, ou je m’étais caché. « Au moins, s’écria-t-elle, ai-je le plaisir d’être à moitié vengée de la trahison de l’infâme Fleur d’Épine ; le voleur qui l’a séduite pour me trahir, après l’avoir abusée, la laisse, au lieu de Sonnante, presque étouffée sous ce même foin où elle s’est abandonnée. Achevons-en la vengeance. »

« À ces mots elle entra dans l’écurie, où elle avait été trompée par la coiffure de Fleur d’Épine que le misérable Dentillon portait, sans pouvoir avertir sa mère que c’était lui. Dentue, sans y regarder de plus près, mit le feu au foin,