Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/414

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en branche pour l’écouter, s’il n’était pas trop sauvage, il se laisserait prendre, et je ferais à la belle Luisante le plus beau présent que puisse fournir le royaume de son père, en lui donnant le plus bel oiseau du monde. Qu’il serait heureux, continua la flatteuse sorcière, de faire les délices de ce qu’il y a de plus beau dans l’univers ! et parmi les mortels, qui ne changerait de condition avec un perroquet qui serait chaque jour à portée de voir des trésors que des belles ne cachent point à des oiseaux ? »

« Qu’elle savait bien à qui elle parlait, l’insinuante Dentue ! J’en étais si transporté, qu’elle n’eut qu’à me tendre le poing en achevant de parler : j’y sautai le plus légèrement que je pus.

« Il ne s’en fallut rien que cet empressement ne me fût aussi funeste qu’il était grand. Je vis ses regards changer dans le moment qu’elle m’eut en sa puissance ; ses yeux parurent étinceler : elle me serra les pattes d’une main, et me porta deux fois l’autre au cou pour me le tordre. Je ne comprenais rien à ce transport ; mais je n’ai pas eu de peine à l’entendre, quand la baguette de Serène nous a fait voir l’horrible Dentue cachée sous cette figure.

« Elle résista donc, heureusement pour moi, aux premiers mouvements que la vengeance ou la fureur lui avait inspirés. Il convenait à ses desseins de m’épargner : cependant elle mit bon ordre que je ne pusse échapper jusqu’à notre arrivée dans cette cour.

« Ce jour fut le commencement de mon bonheur : mes yeux de perroquet soutinrent l’éclat fatal de ceux de l’adorable Luisante ; et, par un charme qui m’était inconnu, des gens qui n’auraient osé la voir à cinquante pas, n’avaient qu’à