Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y traça d’elle-même l’horrible figure de Dentue, elle décrivit la situation de sa demeure, ses sortilèges et ses inclinations. J’eus horreur d’apprendre que la plus horrible des créatures avait encore plus de penchant à l’amour qu’à la haine ou à la cruauté, que son art n’était employé qu’à faire tomber les hommes dans ses pièges, et que la mort était la seule ressource de ceux qui dédaignaient de s’en garantir par une complaisance encore plus funeste. Cependant je découvris avec douleur que, tant qu’elle serait maîtresse de la jument Sonnante et du chapeau lumineux, mon pouvoir ni mes enchantements ne pourraient rien contre les siens.

« J’appris, par ma baguette, qu’elle avait un fils à peu près de l’âge de l’aînée des filles de ma sœur, et je ne doutai point que son dessein ne fût d’enlever l’héritière de Circassie pour la donner à ce fils : c’est pourquoi je voulus la prendre sous ma protection. Ma sœur me l’envoya secrètement ; mais cette précaution pensa la perdre : la sorcière trouva le moyen de l’enlever presque d’entre mes bras dans le moment qu’elle venait de m’être remise. J’avais eu beau la faire passer pour ma fille, la cruelle Dentue ne s’y laissa pas tromper ; et toute ma vigilance fut inutile pour défendre la pauvre petite Fleur d’Épine contre l’inhumaine sorcière. Oui, calife de Cachemire, cette même Fleur d’Épine que vous voyez, et que vous aviez si hâte de brûler, est héritière du royaume de Circassie. Elle me fut donc enlevée sans que je susse de quelle manière ; mais ni mon art ni toutes les puissances du monde ne l’auraient pu délivrer de celle de la sorcière, si Tarare ne l’avait entrepris. Cette gloire était réservée par les destins à l’amant le plus ingénieux