Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/423

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entreprenait ce que je lui peignis encore plus dangereux que je n’avais fait : il n’en fut point ébranlé. Je lui tins parole ; et, quoiqu’il ne me fût pas permis de l’assister toujours, mon génie a souvent inspiré le sien dans l’exécution. Mais, après tout, c’est à son esprit, à sa fermeté, mais plus que tout à sa constance, que la gloire en est due.

« Tandis qu’il était en chemin pour aller chez la sorcière, j’employai ma baguette pour satisfaire la curiosité que j’avais sur Fleur d’Épine ; elle m’en traça la figure et les souffrances dans les tristes occupations de sa vie. Je trouvai sa figure digne de récompenser ce qu’on entreprenait pour elle. Je ne crus pas qu’il fût nécessaire de toucher le cœur de Tarare pour elle, si son esprit et ses sentiments répondaient aux charmes de sa personne ; mais j’avoue que j’inspirai pour lui à Fleur d’Épine des mouvements favorables, qu’une première vue n’aurait pas attirés, mais qu’il n’aurait que trop mérités, sans mon secours, avec un peu de temps.

« Ma joie fut extrême quand je les sus arrivés dans ce royaume ; et, quoiqu’il y eût un peu de cruauté à rendre ma demeure inaccessible lorsqu’il y voulut mener Fleur d’Épine, je le fis pour éprouver sa constance pour elle jusqu’au bout, et pour connaître s’il en était digne. Vous avez vu triompher cette constance par des épreuves qui méritent qu’il monte sur le trône d’une princesse qui règne si parfaitement dans son cœur.

« J’avais dès longtemps prévu la révolution qui devait arriver en Circassie ; mais, en la prévoyant, il ne me fut pas permis de la prévenir : tout ce que je pus faire fut de sauver la reine ma sœur, et les trois filles qui lui restaient, dans l’extrémité qui les exposait à la fureur du tyran ; et, pour les