Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/424

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dérober à sa poursuite, je leur choisis une retraite presque inconnue vers les confins du royaume.

« Ce fut là que, craignant toujours la recherche qu’on en pouvait faire, je fis un enchantement par lequel la reine paraissait changée en corneille, dès que le hasard y conduisait quelque étranger ; et ses filles, avec leurs compagnes, paraissaient changées en pies, sans qu’elles parussent les unes aux autres avoir changé de forme.

« Voilà, princes, l’illusion qui vous a causé tant de surprise, lorsque le hasard vous a conduits l’un après l’autre où elles étaient.

« Tandis que Tarare me cherchait inutilement avec Fleur d’Épine, je savais sous quel déguisement Dentue était arrivée ici ; je savais ses desseins : mais je savais que sa puissance était si bornée, depuis qu’elle n’avait plus la jument et le chapeau, qu’il me serait facile de prévenir tous ses attentats contre la vie de ma nièce.

« Je livrai donc Fleur d’Épine pour un temps aux cruautés qui l’attendaient à son arrivée, par le moyen de l’impertinente sénéchale et de l’inhumaine Dentue. Fleur d’Épine ne devait être qu’au plus fidèle des amants. Quelle plus grande épreuve de sa constance que de l’exposer à ses yeux dans la laideur affreuse où les maléfices de la sorcière l’avaient réduite, dans le temps que la main de Luisante avec le trône de Cachemire lui seraient offerts.

« Je ne le retins pas longtemps lorsqu’il revint avec le chapeau lumineux et la jument. Je tins pourtant parole dans le remède que j’avais promis pour les beaux yeux qui causaient tant de ravages : mais, quoique Tarare retournât auprès de sa chère Fleur d’Épine, je savais bien que, dans l’état où il