Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/445

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rien de bonne grâce. D’abord qu’il vit la maison des roses, il la convoita ; il ne prit pas seulement garde aux charmants habitants de ces beaux lieux ; et pour commencer à s’en emparer, il dit qu’il y voulait coucher ce soir-là.

La bonne femme fut très fâchée d’une telle résolution. Elle entendit un tintamarre, et vit un désordre chez elle qui l’effraya. « Qu’allez-vous devenir, s’écria-t-elle, heureuse tranquillité que je goûtais ? Le moindre air de fortune renverse tout le calme de la vie. »

Elle donna au roi un lit excellent et se retira en un coin du logis, avec sa petite famille. Quand le méchant roi fut couché, il lui fut impossible de dormir, et ouvrant les yeux, il vit au pied de son lit une petite vieille qui n’était pas plus haute que le coude et qui était aussi large ; elle avait de grandes lunettes qui couvraient tout son visage, elle lui faisait des grimaces effroyables. Les lâches sont sujets à la peur ; il en eut une épouvantable et il sentit en même temps mille pointes d’aiguilles qui le perçaient de toutes parts. Dans un si grand tourment de corps et d’esprit, il fut éveillé toute la nuit ; et l’on fît un bruit étrange. Le roi tempêtait et disait des paroles qui n’étaient point du tout bienséantes à sa dignité. « Dormez, dormez, Sire, lui dit la perdrix, ou laissez-nous dormir. Si l’état de la royauté est rempli de tant d’inquiétudes, j’aime encore mieux être perdrix que d’être roi. » Ce prince acheva de s’épouvanter à ces paroles ; il commanda qu’on prit la perdrix qui se reposait dans une jatte de porcelaine ; mais elle s’enfuit à cet ordre et s’envola en lui battant des ailes sur le visage.

Il avait toujours la même vision, et il sentait les mêmes piqûres ; il était fort effrayé, sa colère en devint plus furieuse.