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à force d’aimer

sont, au contraire, de lâches attendrissements, de vils désirs !…

— Maître, maître… encore une fois ne parlez pas ainsi !… »

Ce grand garçon, admirable de force physique, d’expression intelligente et fière, avait, dans sa voix suppliante, comme un frémissement de désolation enfantine. On sentait dans cette voix — touchante par le contraste avec cette jeune virilité ombrageuse — un amour et un respect extraordinaires pour l’homme qui le traitait si rudement, une douleur d’être mal compris par lui, et aussi une certaine anxiété de sentir quelques fibres secrètes de son âme se convulser, saignantes, sous ce doigt brutal. Horace touchait donc vraiment à un point malade, à une plaie de la sensibilité chez ce disciple cher, auquel il avait voulu donner une énergie si robuste, une fierté si haute, un si large esprit de sacrifice ?… Lui-même, qui n’avait peut-être pas cru tout ce qu’il reprochait à René, se troubla de constater le silence confus où maintenant s’enfermait celui-ci.

— « Mon enfant, » lui dit-il avec plus de douceur, « parle-moi franchement. Quelle est la séduction que tu subis, qui te rend moins ferme dans ta foi socialiste, plus indulgent envers la pourriture de l’or ?… Oui, oui… » ajouta-t-il en étendant la main pour arrêter une protestation de René, « ne t’ai-je pas entendu l’autre jour, dans