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à force d’aimer

moins aimable et plus dangereuse, elle n’était pas faite pour éprouver ou inspirer des sentiments ordinaires. On pouvait le pressentir rien qu’à la voir traverser les salons remplis de monde pour aller rejoindre son père. Tous les yeux la suivaient, l’admiraient. Elle devait certainement s’en apercevoir. Pourtant, elle n’avait, sur son joli visage étrange, ni l’assurance de la coquetterie, ni l’embarras de la timidité ; c’était plutôt, dans ses yeux et toute sa personne, quelque chose de replié, d’un peu farouche, une sensation d’être différente de tous ceux qui l’entouraient.

Elle trouva son père et M. Vallery dans un cercle de dames assises, autour duquel se pressaient des hommes debout. On commentait la séance de la Chambre, le vote qui affermissait le Cabinet.

— « Moi, » disait M. de Percenay, « l’issue du débat m’était indifférente. Mon ministère est un ministère de travail. Je n’y fais pas de politique. Et je serais rentré, je crois, dans toute autre combinaison.

— Heureusement ! » prononça Vallery. « Ah ! tu m’avoueras, mon cher Maurice, que cette instabilité des ministres est la pire entrave à tout progrès. À peine l’un de vous s’est-il mis au courant de son affaire qu’il doit céder la place à un successeur qui n’y connaît rien. Je ne comprends même pas comment cela marche.

— Peuh ! » fit M. de Percenay, qui haussa les