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à force d’aimer

épaules, « cela marche grâce à la routine des bureaux… cette fameuse routine, et ces fameux bureaux, dont on dit tant de mal !

— Dans nos sociétés financières, » reprit le maître de la maison, « nous avons aussi des bureaux, mais du diable s’ils feraient la besogne sans directeur ! Le chef, la tête, l’esprit qui donne l’impulsion, la volonté qui prend l’initiative, voilà ce qui assure le succès de toute œuvre faite en commun. »

Un murmure approbateur souligna ces paroles, et quelques exclamations en indiquèrent une preuve flatteuse dans les établissements de crédit que dirigeait le célèbre financier.

Celui-ci carrait les épaules, rejetait la tête en arrière, contenant mal l’expansion de son orgueil par la barrière d’un sourire obligeant.

Édouard Vallery avait quelque peu changé depuis le soir où, seize ans auparavant, il s’était présenté boulevard de Courcelles, dans le rez-de-chaussée d’Hélène Marinval. La cinquantaine approchante faisait grisonner ses cheveux encore abondants et sa barbe courte. Le corps s’était épaissi ; le visage s’empâtait. Mais les yeux bruns restaient lumineux et caressants sous les paupières devenues lourdes ; et le front semblait moins banal derrière la double barre de deux rides qui y mettaient comme une pensée. C’était encore un bel homme, et il pouvait, sans fatuité