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à force d’aimer

cession elle trahissait son père, qu’elle agissait comme s’il était coupable à ses propres yeux, lui fit perdre le peu de sang-froid qu’elle conservait encore.

Elle se jeta contre l’épaule de Germaine.

— « Ma chérie… Je ne sais ce que j’ai… Je me sens malade… Je ne peux plus danser… Va dire qu’on m’excuse… »

En même temps — ce fut plus fort qu’elle — des larmes jaillirent de ses yeux.

Germaine lui glissa dans l’oreille :

— « Tiens-toi, pour l’amour de Dieu !… Quoi qu’il se passe, tu ne dois ni pleurer ni t’évanouir. Il faut que tu danses le cotillon… Mais ne le danse pas avec Chanceuil. »

La fermeté de son accent domina Huguette. Pendant la minute qu’elle mit à se reprendre, Mlle de Percenay s’avança vers les deux jeunes gens, qui, d’un mouvement discret, se retiraient un peu, et elle dit à Ludovic, d’une voix si naturelle qu’elle donna le change à l’autre :

— « Vous avez eu tort, monsieur, d’insister pour ce cotillon, puisque mon amie l’avait promis avant votre arrivée. Voyez dans quelle situation gênante vous la mettez. C’est au point qu’elle préfère y renoncer tout à fait et se dire malade. »

Comme Chanceuil, très pâle et le regard noir, se taisait, Germaine reprit, toujours avec ce petit ton de hauteur auquel on ne résistait guère :