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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/240

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à force d’aimer

Mlle Bjorklund, la pâleur de René et l’intensité presque tragique du regard de Germaine. Dans ce beau regard de jeune fille, il y avait l’évidente anxiété du vertige intérieur qui emportait toute son âme. Elle n’osait, sans une sorte d’épouvante, considérer l’être qui, depuis deux heures, l’avait plongée dans un torrent de sensations tellement puissantes et nouvelles. L’attraction qui l’entraînait vers lui, vers sa personne, vers sa pensée, vers son héroïne — portant, chose extraordinaire, le même nom qu’elle-même, — luttait chez Mlle de Percenay avec l’instinct farouche de la fierté, avec la confusion d’une défaite si complète et si délicieuse de tout son être, défaite que, le matin même, elle eût sincèrement considérée comme impossible.

Ce fut par la plus légère inclination de tête qu’elle répondit au salut troublé de M. Marinval. Pourtant, quand il releva le front et que leurs yeux se rencontrèrent, la commotion fut si profonde qu’elle en crut percevoir l’ébranlement en lui-même aussi bien qu’en elle. Et elle demeura stupéfaite. Se pouvait-il qu’elle fût quelque chose pour ce jeune homme, qui, depuis un moment, était tant pour elle ? Et comment se fit-il qu’en entendant Huguette demander à l’auteur pourquoi il avait nommé son héroïne « Germaine », Mlle de Percenay se sentit rougir ?

— « C’est le nom de femme que je préfère, »