Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/46

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— « À propos, mon cher patron, je crois avoir un petit service à vous rendre. Oh ! tout à fait en dehors des affaires. Une chose d’homme à homme. Vous êtes-vous demandé pourquoi ce vieux loup-cervier de Nauders tenait tant à vous faire lier connaissance avec Mlle Monestier ?

« Comment, lui aussi ! » pensa Robert. « Ah çà ! l’univers entier s’occupe donc de ma rencontre avec Mlle Monestier ? »

Il secouait vaguement la tête, les yeux écarquillés, béant de surprise.

— « Méfiez-vous. Ne faites pas leur jeu », reprit l’autre, volontairement énigmatique.

— « Leur jeu ?… Que voulez-vous dire ?

— Je m’entends.

— Vous connaissez Mlle Monestier, Sorbelin ?

— Je l’ai connue. C’est la plus dangereuse des femmes.

— Bah ! Et comment savez-vous que je l’ai rencontrée ? Et où ? Et grâce à qui ?

— Vous lui avez été présenté par Nauders et sa fille, il y a une huitaine de jours, dans une baignoire, aux Français.

— Vous me paraissez plutôt renseigné.

— Tous les Parisiens qui se trouvaient dans la salle le sont autant que moi. Et ils en parlent, n’en doutez pas.

— Qu’en disent-ils ?

— Ils jugent que vous êtes dans votre rôle de mari, en fréquentant, durant l’absence de Mme Clérieux, une créature disqualifiée, ni fille ni femme, ni mondaine ni grue…

— Sorbelin !

— Excusez-moi, monsieur Robert. Mais j’ai un peu plus d’expérience que vous. Je suis votre aîné. Je ne me trouve pas comme vous, depuis ma vingtième année, entre les œillères du mariage. Malgré tout, je ne vous ennuierais pas de potins stupides, si votre seul risque était seulement de faire plaindre à tort Mme Clérieux.

— Ça serait un peu fort ! Pour dix minutes de causerie en public !

— Tout dépend de la personne avec qui l’on cause.