Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/9

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Un Allemand, lui ! Allons donc !… — N’a-t-il pas écrit (pour y revenir combien de fois !…) :

« Mes ancêtres étaient des gentilshommes polonais. Quand je songe combien de fois il m’est arrivé en voyage de m’entendre adresser la parole en polonais, quand je songe combien rarement j’ai été pris pour un Allemand, il pourrait me sembler que je suis seulement moucheté de germanisme. »

La magnifique loyauté de Nietzsche envers la civilisation gréco-latine, source de tout affinement de l’esprit humain, la gravité de ses avertissements à l’égard des périls passés et futurs dressés contre cette civilisation par la pseudo-culture germanique, la puissance admirable de son verbe et de sa pensée, apparurent à ma faiblesse comme le levier qui me porterait dans la région audacieuse, vers le but où s’élançait ma ferveur patriotique.

Apprenons à nous connaître. Acceptons la leçon d’humilité. Nietzschéenne, pas plus que son frère jumeau le Droit à la Force, n’influa, si peu que ce fût, sur la France en marche vers la victoire, à travers cinq années d’alternatives tragiques, et par un héroïsme qui n’a pas d’égal dans le passé du monde.

Pourtant quelques âmes, dans ce simple roman, ont puisé du réconfort. Je le sais. On me l’a écrit. Âmes de femmes surtout, sœurs inconnues, qui s’en prétendirent encouragées, sans savoir combien tout leur courage allait être nécessaire !

Et plus tard, l’année dernière, aux jours terribles, lorsque, dans la petite salle d’école qui servait de bibliothèque à mon Foyer du Soldat — Béthencourtel (Oise), IIIe armée, — ce furent mes amis en bleu horizon qui me rapportaient Nietzschéenne en me remerciant de ce qu’ils y avaient trouvé, j’avais largement ma récompense.

Aussi, pour l’honneur même de ceux qui ont aimé ce livre, et des autres qui l’aimeront, je ne veux pas que son titre lui fasse attribuer la plus minime parcelle de philosophie « boche ».