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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/142

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un abbé Aubert, qui a fait de mauvaises fables. Pour n’y plus revenir, il faut ajouter que le baron de Breteuil va à Vienne, et M. de la Vauguyon à Naples. — À présent passons aux nouvelles de société. M. d’Alembert a eu hier le plus grand succès à l’Académie. Je n’en ai pas été témoin, j’étais trop souffrante ; je n’ai tout juste de force que ce qu’il en faut pour être sur mon fauteuil. Il a lu l’Éloge de Despréaux, et des anecdotes sur Fénelon, qu’on dit ravissantes. Je n’ai pas voulu les entendre ces jours passés ; je n’avais dans la tête que la lettre que je ne lisais pas ; il faut du calme pour écouter, aussi j’écoute bien peu. Mon ami, on imprime une vie de Catinat, l’auteur est un M. Turpin, qui a fait la vie du grand Condé. M. d’Alembert a lu cette vie, et selon ce qu’il dit, cela n’ôtera, ni le piquant, ni le mérite de votre éloge ; cependant, dès qu’elle paraîtra, je vous l’enverrai. J’ai vu, j’ai beaucoup vu Mme de Boufflers depuis votre départ, et je vais bien humilier ou bien exalter votre vanité, en vous disant qu’elle ne vous a pas nommé. Si cela est naturel, cela est bien froid ; s’il y a du projet, cela est bien vif. Nous avons passé une soirée avec elle ; nous avons été à la foire ensemble, elle est venue chez moi ; nous devons aller au catafalque. Mais ce qui n’est que pour moi, ce sont des ananas excellents, et une lettre de quatre pages sur les affaires présentes, sur la gloire dont s’est couvert M. le prince de Conti, sur sa belle-fille ; et puis, des louanges très flatteuses pour moi. Enfin, je vous ferai mourir de jalousie quelque jour, en vous lisant tout cela ; mais jusqu’alors, vous allez tant faire de coquetteries, tant plaire, tant séduire, que tous mes succès ne seront plus rien, et qu’il faudra redevenir gros Jean comme devant. Mais, mon ami, pourquoi ne m’avez-vous pas