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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/153

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d’avance tout ce que vous pouvez m’avoir dit d’offensant ; et je rétracte avec tout ce qui me reste de force et de raison, tout ce que je vous ai écrit dans les convulsions du désespoir. C’est aujourd’hui que je dépose dans vos mains ma profession de foi : je vous promets, je m’engage à ne plus rien exiger ni prétendre. de vous. Si vous me conservez de l’amitié, j’en jouirai avec paix et reconnaissance ; et si vous veniez à ne m’en pas trouver digne, je m’en affligerais sans vous trouver injuste. Adieu, mon ami : c’est l’amitié qui prononce ce nom ; il n’en est que plus cher à mon cœur, depuis qu’il ne peut plus le troubler.


Samedi, 11 heures du soir.

Voilà votre réponse : elle est telle que j’aurais pu la souhaiter, froide et modérée. Mon ami, nous allons nous entendre : mon âme est au ton de la vôtre ; cette lettre ne vous a point offensé ; vous en avez sûrement jugé à merveille ; vous avez eu sur moi l’avantage d’un homme raisonnable sur une créature passionnée ; vous étiez de sang-froid, et j’avais le délire : mais c’était la dernière crise d’une maladie effroyable, dont il vaudrait mieux mourir que guérir, parce que la violence des accès de cette fièvre flétrit et abat les forces du malheureux malade, au point de ne pouvoir plus se promettre du plaisir de l’état de convalescence ; mais en voilà assez, trop sans doute, sur ce que vous appelez mes injustices, et votre délicatesse. Mon ami, savez-vous ce qui est délicat ? c’est de n’avoir pas supprimé les six ou sept pages que vous