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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/155

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lumières et du talent, ils doivent prétendre à tout. Ce n’est donc pas le moment de se décourager, mais bien plutôt de venir avec confiance, non pas demander des grâces, mais se faire connaître et se faire rendre justice. À l’égard de ce bouleversement dans les domaines, j’ai bien de la peine à croire que M. Turgot puisse, en rien, suivre ou exécuter les projets de M. l’abbé Terrai. Si cependant, par impossible, il venait à vouloir agir d’après ce plan, M. de Vaines serait à portée de vous rendre service. Il ferait l’impossible pour vous obliger : il a un attrait particulier pour vous ; il ne me voit jamais sans me demander de vos nouvelles ; le jour de votre départ, j’en reçus un billet, où étaient ces mots : « Je vous supplie de me faire dire de vos nouvelles et de celles de M. de G…, qui intéresse beaucoup ceux qui aiment une âme ardente, et qui, de tous côtés, s’élance vers la gloire ». Je voulais vous envoyer ces mots, et puis j’en fus détournée par un intérêt qui ne permet pas de causer. Vous devriez écrire à M. de Vaines, non pas sur sa fortune : car c’est justement le contraire ; il a sacrifié son intérêt à son amitié pour M. Turgot, et à son amour pour le bien public : en un mot, il a été entraîné par le désir de concourir au bien ; il a eu l’activité de la vertu : mais un peu plus calme, il a vu qu’il s’était chargé d’une triste besogne. — Je ne combats point vos projets pour l’avenir : il n’existe pas pour moi ; d’après cela, vous croyez bien que je ne peux guère m’échafauder pour prévoir ou craindre pour les autres. En général, je crois que vous ferez bien de ne pas vous marier en province. Cependant, ce serait une manière de fixer toutes vos incertitudes ; mais aussi ce serait un malheur qui vous priverait du plus grand bien, qui est l’espérance. Mon ami, je ne