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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/162

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chose de projeté ou d’arrêté sur les domaines, mais qu’en général il aurait un grand respect pour les propriétés. Je ne m’en tins pas là, je dis votre affaire à M. de Vaines, et il me répondit nettement : « Qu’il soit bien tranquille, le projet de l’abbé Terrai ne sera jamais exécuté par M. Turgot, j’en réponds ». Voilà, mon ami, la réponse de deux hommes qui doivent vous rassurer ; et quoiqu’elles ne soient pas conformes, cependant cela veut dire, ce me semble, la même chose. Je vous envoie l’arrêt dont je vous ai déjà parlé ; je crains que votre intendant ne soit pas fort pressé de le répandre, et je joins à cet arrêt une lettre de M. de Condorcet, que je trouve si bien que je l’ai fait copier. Mon ami, ne me remerciez point du soin que j’ai de vous envoyer ce qui me fait plaisir ; ce n’est pas pour vous, c’est pour vous en entendre parler, car il me reste beaucoup de goût pour votre esprit : il est excellent et bien naturel. Adieu.



LETTRE LIII

Vendredi, 23 septembre 1774.

Mon ami, je vous fais victime : je vous écris jusqu’à vous accabler. C’est la seule occupation qui me fasse croire que je suis encore en vie ; et quoique je pense que d’être tout à fait morte soit le meilleur état, cependant, en souffrant, je trouve de la douceur à me tourner encore vers vous. Si vous ne m’entendez pas, vous m’écouterez du moins, vous me répondrez : car il est bien triste de n’avoir point de lettre de vous.