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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/183

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vaille dix heures par jour. Il a vingt correspondances, dix amis intimes ; et chacun d’eux, sans fatuité, pourrait se croire son premier objet ; jamais, jamais on n’a eu tant d’existence, tant de moyens et tant de félicité. — Mais voilà que je me rappelle que vous ne m’avez pas dit un mot de M. le duc de Choiseul ; est-ce que votre séjour à Chanteloup n’a pas même fait trace sur la route ! Hé bien ! voilà où il en est à Paris : le public lui échappe absolument ; et il me semble que ce qui peut lui arriver de mieux à présent, c’est de rester dans cet oubli : car il ne gagnerait rien aux comparaisons, aux rapprochements. Nous aurions pu lui devoir, il y a dix ans, M. Turgot, et il avait choisi les Laverdy, les Maupeou, les Terrai, etc. — Votre lettre à M. d’Alembert est excellente ; et comme nous sommes très communicatifs, nous l’avons donnée ce soir même à M. de Vaines, qui en était charmé, et qui a voulu la faire voir à celui qui pouvait en jouir sans que cela pût alarmer sa modestie. — Ah, mon Dieu ! vouloir vous faire une malhonnêteté à vous, à qui il n’a pas répondu, parce qu’il voulait avoir le plaisir de vous répondre de sa main ! Mon ami, les gens vertueux ne peuvent pas être insolents, et ils chérissent le mérite et les talents. Vous ne devineriez jamais ce qui m’occupe ; ce que je désire, c’est de marier un de mes amis. Je voudrais qu’une idée qui m’est venue pût réussir : l’archevêque de Toulouse pourrait servir beaucoup au succès de cette affaire. C’est une jeune personne de seize ans, qui n’a qu’une mère et point de père ; on lui donnera, en la mariant, 13,000 livres de rente ; sa mère la logera, la gardera bien longtemps, parce que son fils est un enfant. Cette fille ne peut pas avoir moins de 600,000 francs, et elle pourrait être beaucoup plus riche : cela vous convien-