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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/184

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drait-il, mon ami ? Dites, et nous agirons, et nous n’aurions point de dégoûts, parce que l’archevêque de Toulouse a autant d’adresse que d’honnêteté. Nous causerons de tout cela ; et si cela ne réussit pas, je connais un homme qui serait bien heureux de vous avoir pour gendre : mais sa fille n’a que onze ans, elle est unique, et elle sera bien riche. Mon ami, je voudrais par-dessus tout votre bonheur : et le moyen de vous le procurer deviendrait le premier intérêt de ma vie. Il fut un temps où mon âme n’aurait pas été si généreuse ; mais elle répondait à quelqu’un qui aurait rejeté avec horreur l’empire du monde. Quel souvenir, mon Dieu ! qu’il est doux et cruel ! Bonsoir, mon ami. Si j’ai comme je l’espère, de vos nouvelles demain, j’ajouterai encore à ce volume. Depuis deux jours, j’ai moins souffert. Je suis à deux ailes de poulet par jour ; et si ce régime ne me réussit pas plus que le reste, je me mettrai au lait pour toute nourriture.


Toujours dimanche, 6 octobre 1774.

Cet adieu était bien prompt, bien brusque : et vous comprenez bien qu’il me reste mille choses à vous dire : car si je ne me trompe, c’est la dernière fois que je vous écris. Je saurai à quoi m’en tenir demain : j’aurai de vos nouvelles, mon ami : ce n’est pas à mon désir que je me fie, mais c’est à votre bonté. Vous me dites bien que vous allez à votre légion ; vous m’avez écrit deux fois le nom du lieu où elle est : mais grâce à la beauté de l’écriture, je n’en sais rien, je lis Livourne, et à coup sûr ce n’est pas là