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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/257

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lez, ce que vous pouvez pour jeudi. Je vous crois trop homme du monde pour manquer le bal de cette nuit ; pour moi, j’aime mieux respirer l’air doux et pur des Tuileries, à l’heure où l’on y est presque seul. Ah ! c’est que mon âme me fournit encore plus que ne peuvent vous fournir tout votre esprit et tout votre talent. Mais adieu.



LETTRE XCVI

Onze heures du soir, 1775.

Mon ami, le mal vient de plus loin : vous souvenez-vous de ces mots : Oh ! ce n’est pas madame de *** que vous avez à craindre, mais… et le ton avec lequel ils furent prononcés, et le silence qui suivit, et la réticence, et la résistance ? Mon Dieu ! en faut-il tant pour porter le trouble et la douleur dans une âme agitée ? Joignez à cela le désir que vous aviez de me quitter ; et pour qui étiez-vous si pressé ? Pouvais-je me calmer ? je vous aimais, je souffrais, et je m’accusais. J’ai été à votre porte ce matin, la tristesse était dans mon âme ; je vous ai vu, et le plaisir s’est mêlé à la disposition de la mélancolie qui me pénétrait. Et puis j’ai vu que vous mettiez de l’acharnement à me confondre ; et puis j’ai cru tout ce que vous avez supposé. Je vous avais entendu nommer… Alors ce que vous lisiez m’a paru odieux, et c’était vous qui me le faisiez trouver tel. Je croyais vous gêner, vous retenir, vous contraindre, et mon âme en était à la torture. Eh bien ! mon ami, je vous de-