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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/271

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consoler mon âme en flattant ma vanité ? Mon Dieu ! si vous saviez qu’il n’y a ni dédommagement ni compensation dans l’univers entier à ce que je désire, et à ce que je crains ! Oh ! oui, vous le savez : car vous voyez au fond de mon âme, et vous voyez ce qui la remplit, ce qui l’anime, et ce qui la désespère. Bonjour, mon ami. Votre lettre est bien aimable ; elle m’aidera à passer cette longue journée.



LETTRE CIII

Jeudi, 1775.

Ah ! mon Dieu ! que votre billet venait de haut ! est-ce là le ton que vous ferait prendre votre bonheur ? en ce cas, je n’oserais pas m’en plaindre ; mais je veux seulement que vous sachiez qu’il n’est pas en mon pouvoir de souffrir la protection et la compassion : mon âme n’a pas été façonnée à tant de bassesse ; votre pitié mettrait le comble à mon malheur, épargnez-m’en l’expression. Persuadez-vous que vous ne me devez rien et que je n’existe plus pour vous. Ce n’est pas un effort que je vous demande, comme vous voyez : c’est seulement de conserver avec moi l’habitude que vous en avez ; n’ayez point de ces retours de commisération qui flétrissent et abattent jusqu’à la mort ceux qui en sont l’objet. Comment vous portez-vous ? Allez-vous à Versailles ? Votre Éloge est entre les mains d’un docteur.