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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/276

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aujourd’hui deux lettres qui m’ont bouleversée, mais qui ont rempli mon âme. Figurez-vous quelles dates : Madrid, 3 mai 1774. En montant en voiture pour vous voir ; et l’autre de Bordeaux, 23 mai 1774. En arrivant, et presque mort. Et je les reçois un an après leur date ! cela me paraît tenir du prodige. Il semble que ce soit un nouvel avertissement. Cela me trouble, cela m’occupe. Je réponds oui, et cependant je remercie le ciel qui m’a laissée vivre pour recueillir encore ce qu’il y avait de plus cher et de plus sacré pour moi dans l’univers.

Vous gardez votre chambre : ainsi il vous sera moins importun de chercher et de rassembler mes lettres. En grâce, ne me refusez pas ce moment de soin ; soyez assuré que je n’abuserai pas de votre bonté.

Je compte sortir demain à midi, et rentrer à quatre heures pour ne plus sortir. Je ne me permets pas de désirer de vous voir. Ce que je veux de préférence à mon plaisir, c’est votre bien-être, votre bonheur, votre volonté, et même votre fantaisie, tant je me rends facile !



LETTRE CVII

1775.

Vous me faites mal, vous m’affligez, vous me tourmentez, et puis vous dites que je ne suis pas accoutumée à trop de sévérité avec vous. Ah ! mon Dieu ! je ne vous passe rien ? Mon ami, comment osez-vous prononcer ces mots ? mais je vous pardonne ; et quoi-