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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/278

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autour de moi. M. d’Alembert vous contera son succès, il vous dira le vif plaisir qu’il a eu de faire applaudir l’archevêque de Toulouse jusqu’au transport ; l’archevêque en a pleuré de joie et de reconnaissance. J’aime ce mouvement ; c’est à coup sûr un des moments les plus heureux de sa vie. J’en suis bien aise, mais c’est de la pensée seulement ; car mon âme souffre, et le plaisir n’y peut plus pénétrer. Mon ami, vous y avez mis le dernier sceau de la douleur, mais ce n’est pas de moi que je veux vous parler. Dites-moi des nouvelles de votre nuit : je voudrais bien qu’elle eût été bonne. Au moins êtes-vous sans fièvre ? et voudrez-vous que je vous voie à une heure ou à cinq ? dites, mais ne vous contraignez pas surtout.



LETTRE CIX

Une heure après minuit, 1775.

Non, mon ami, je ne me coucherai point sans vous faire partager l’estime, le respect et l’enthousiasme dont je suis pénétrée et exaltée. Ah ! que cela est beau, que cela est vertueux, que cela est noble ! que je me sens d’admiration pour Marc-Aurèle, et d’estime pour son vertueux panégyriste ! Il faut absolument que le roi le lise : j’ai déjà agi pour cela ; j’espère que mon vœu sera rempli, et en vérité, ce n’est pas pour M. Thomas que je le souhaite. L’excellent homme n’a besoin que des jouissances que lui donne sa vertu. Vous croyez bien que je viens de lui dire deux mots sur cet éloge. Mon ami, ma mort serait