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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/288

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une conduite qui ne me serait pas dictée par la tendresse de mes sentiments, ou par la violence de ma passion. Vous le savez, vous le voyez, je n’ai pas même l’usage de mon esprit avec ce que j’aime. Mais c’est trop vous parler de moi. C’est de vous que je veux savoir tout ce que j’ignore depuis si longtemps : vous me devez compte de vos pensées, de vos sentiments ; oui, j’ai droit à tout cela. Comment pouviez-vous vous arrêter, lorsque vous m’écriviez ? Et vous dites que votre cœur et votre esprit étaient pleins ! Avec qui vous livrerez-vous ? Y a-t-il quelqu’un dans le monde qui puisse vous entendre mieux que moi ? — Sur ce que vous m’avez dit du Connétable, j’ai envoyé chez M. le maréchal Daras, qui a répété que le Connétable serait joué, que vous auriez un congé pour la fin du mois, que vous iriez, au mois de septembre, à Metz, finir le temps de votre service. Il vous a écrit tout cela le dernier courrier, et je vous le répète pour ma propre satisfaction. Vous avez donc trop présumé de mon zèle, et de je ne sais plus quoi ! Que vous êtes ingrat ! s’il eût dépendu de mon honneur et de ma vie, je n’y aurais pas mis autant d’activité. Il y a au concours quinze éloges de Catinat ; mais il n’y en a qu’un qui m’inquiète. Je dois le lire demain, et je vous promets de vous envoyer mon jugement cacheté : nous verrons si je me rencontrerai avec l’Académie. Pour juger sainement, je ferai abstraction de haine et d’amour, et puis vous verrez si j’aurai de l’esprit. — N’avez-vous pas repris les Gracques ? et quoique toute ambition soit éteinte en vous, n’espérez-vous pas que cet ouvrage ajoutera beaucoup à votre réputation ? — M. de Vaines doit vous envoyer tous les originaux du travail que vous avez fait pour M. Turgot. N’allez pas croire que j’ai oublié le mémoire de M. Du…, je l’ai