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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/368

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M. d’Andezi va dîner mardi à Auteuil, il sera ravi de vous mener. Je ne vous ai pas dit que j’avais répondu le billet le plus sot, le plus plat. Mais il ne m’importe guère ; elle est au moins indulgente, et mon amour-propre ne peut plus être difficile à contenter. Adieu donc.


Après l’arrivée de la poste.

Non, vous ne vous y méprenez pas, vous connaissez mon sentiment : vous voyez dans mon âme, vous savez ce qu’elle est pour vous ; vous avez vu ses combats, ses remords, vous voyez sa douleur. Je vis ; après cela ai-je besoin de vous dire que je vous aime, que ce qui me reste d’activité est employé à vous désirer, à craindre votre absence, à croire que je ne pourrai pas la supporter ? et si ma pensée peut s’y arrêter avec un peu de calme, c’est en me disant que je retrouverai, peut-être, le courage que m’ôte votre présence : car comment trouver la force de mourir, quand on voit ce qu’on aime ! Mon ami, votre lettre est aimable comme vous : elle est pleine d’intérêt, j’en avais besoin. Ah ! mon Dieu ! comme j’ai souffert cette nuit ! je n’en puis plus, mais je vous aime.

Rapportez-moi ma lettre et pardonnez-moi ; on ne guérit pas de la peur.



LETTRE CXLVII

Onze heures et demie du soir, 1775.

Vous ne venez pas, et je n’ai point de lettre de vous ! Cela est bien vide. Mon ami, je vous aime, sans doute,