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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/394

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ce soir : je vous verrai donc, mes maux en seront adoucis. Mon Dieu ! je n’ai plus assez de force pour mon âme, elle me tue. Bonjour, mon ami, je vous aime mieux et plus que vous n’avez jamais aimé. Oui, j’ai toussé, j’ai souffert, mais je vous verrai. Ah ! vous serez occupé d’ici à ce soir ; et moi, je n’aurai qu’une pensée qui me fera dire sans cesse : que pour les malheureux l’heure lentement fuit ! — Mon ami, voyez si vous voulez dîner avec moi demain ou lundi chez le comte de C… : choisissez le jour ; j’aimerais mieux lundi, mais votre volonté me décidera.



LETTRE CLXVI

Minuit et demi, 1776.

Je ne suis seule que dans l’instant, je n’ai donc pas pu faire attendre votre laquais. Je suis si triste et si fort tournée au malheur, que, quelque fondée que je sois à ne vous pas croire, je ne doute pas que vous ne soyez souffrant et que votre femme ne soit malade. Il me semble qu’elle est d’une santé bien délicate : elle en sera encore plus intéressante. J’ai prié M. d’Alembert d’aller savoir de vos nouvelles, parce que je craignais de n’avoir pas le moment de vous écrire ; il me dira si vous allez à Versailles. Je crois qu’il y aura de l’inconséquence, mais il ne me reste rien à dire : vous ne ferez que ce qu’il faudra.

Mon Dieu ! il est bien tard pour vous occuper de mes maux. Oubliez-en la cause : ne vous inquiétez pas des suites, et tout ce que je vous demande là est bien à votre portée. Cela vous sera plus facile que de