aimée en paix ? Vous m’avez dit tant de fois, et vous m’avez encore avoué en soupirant, quelques mois avant de mourir, que, de tous les sentiments que vous avez inspirés, le mien pour vous et le vôtre pour moi étaient les seuls qui ne vous eussent pas rendue malheureuse ? Pourquoi ce sentiment ne vous a-t-il pas suffi ? pourquoi a-t-il fallu que l’amour, fait pour adoucir aux autres les maux de la vie, fût le tourment et le désespoir de la vôtre ? pourquoi, lorsque je vous donnai mon portrait, il y a un an, avec ces vers si pleins de tendresse :
Et dites quelquefois, en voyant cette image :
De tous ceux que j’aimai, qui m’aima comme lui ?
pourquoi n’y avez-vous pas vu tout ce que j’étais encore
pour vous, tout ce que je voulais être ? pourquoi n’avez-vous
trouvé dans ces vers que de la bonté, et ne les avez
vous loués que par ce mot cruel ? mais surtout, pourquoi
n’avez-vous cru trouver que dans la mort le bonheur et la
tranquillité ? Hélas ! s’il reste encore quelque chose de
vous, puissiez-vous jouir de ce bonheur que votre vie m’a
fait goûter si peu, et que votre mort m’a fait perdre pour
jamais ! Vous me faites éprouver, ma chère Julie, que le
plus grand malheur n’est pas de pleurer ce qu’on aimait,
mais de pleurer ce qui ne nous aimait plus, et ce que pourtant
on ne peut plus retrouver. Hélas ! j’ai perdu avec
vous seize ans de ma vie ; qui remplira et consolera le peu
d’années qui me restent ? Ô vous, qui que vous soyez, qui
pourriez sécher mes larmes, dans quel endroit de la terre
êtes-vous ? j’irais vous chercher au bout du monde. Ah !
quelque part que vous existiez, si je suis assez heureux
pour que vous existiez quelque part, entendez mes
soupirs, voyez mon cœur, et venez à moi ou m’appelez à
vous. Délivrez-moi de la situation accablante où je suis,
de l’affreux abandon qui me fait dire à chaque moment.
que je rentre dans ma triste demeure :
Personne ne m’attend et ne m’attendra plus.
Tout ce qui s’offre à moi ne sert