Aller au contenu

Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repos que lorsque vous formez le dessein de faire mille lieues. Oui, en honneur, je pense que c’est un malheur dans ma vie que cette journée que j’ai passée, il y a un an, au Moulin-Joli. J’étais bien éloignée d’avoir besoin de former une nouvelle liaison ; ma vie et mon âme étaient tellement remplies, que j’étais bien loin aussi de désirer un nouvel intérêt ; et vous, vous n’aviez que faire de cette preuve de plus de tout ce que vous pouvez inspirer à une personne honnête et sensible ; mais cela est pitoyable ; est-ce que nous sommes libres ? est-ce que tout ce qui est, peut être autrement ? vous n’avez donc pas été libre de me dire si vous m’écririez souvent. Pour moi, je n’ai pas la liberté de ne pas le désirer vivement. Après vous avoir bien grondé, je dois pourtant vous dire que vous êtes bien aimable de m’avoir écrit en arrivant ; je le méritais, oui, en vérité.



LETTRE VIII

Jeudi, 24 juin 1773.

Trois fois dans une semaine ! c’est trop, beaucoup trop, n’est-ce pas ? Mais c’est que je vous aime assez pour croire vous avoir inquiété. Vous devez avoir un peu d’impatience de savoir si j’existe encore. Eh bien ! oui, je suis condamnée à vivre : il ne m’est plus libre de mourir ; je ferais mal à quelqu’un qui aime à vivre pour moi. J’ai eu de ses nouvelles du 10 : elles ne me rassurent pas tout à fait ; mais j’espère que cet accident n’aura pas de suite funeste ; j’espère même qu’il hâtera son retour : mais les cha-