Aller au contenu

Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LETTRE XI

De Paris, le 25 juillet 1773.

Eh ! non, ne vous y trompez pas les plus grandes distances ne sont pas celles que la nature a marquées par les lieux ; les Indes ne sont pas si loin de Paris, que la date du 27 juin n’est éloignée de celle du 15 juillet ; voilà le véritable éloignement, voilà les séparations effroyables, c’est l’oubli de l’âme ; cela ressemble à la mort, et cela est pis, puisque cela est senti longtemps. Mais n’allez pas croire que je vous fasse des reproches : eh ! mon Dieu, je n’en ai pas le droit, vous ne me devez rien, et moi je dois vous rendre grâce des marques de votre souvenir. Vous aurez été accablé de mes lettres à votre retour de Hongrie : voilà la troisième adressée à Vienne ; on a dû vous en envoyer deux ou trois de Berlin. Dans l’éloignement où vous êtes, il faut, s’il vous plaît, employer cette formule triviale : j’ai reçu telle lettre, etc. Je savais, il y a longtemps, par le baron de Cock, officier général au service de l’impératrice, que les camps n’auraient pas lieu. On croit ici que l’empereur et le roi de Prusse se sont donné rendez-vous dans quelque ville de leurs nouvelles possessions ; mais vous aurez rempli le temps d’une manière utile : ainsi vous regretterez peu les camps. Quoi ! de bonne foi, vous voulez que je vous réduise à ma taille ? C’est donc parce qu’il vous est plus facile de vous plier qu’à moi de m’élever, et qu’à quelque mesure que je vous voie, vous resterez à la vôtre, qui est