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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/93

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n’avoir jamais vécu. M’entendez-vous ? êtes-vous à mon ton ? auriez-vous oublié que vous avez été aussi malade et plus heureux que moi ? Adieu ; je ne sais comment cela se fait : je ne voulais vous écrire que quatre lignes, et mon plaisir m’a entraînée. Combien y a-t-il de personnes que vous aurez plus de plaisir à revoir que moi ? Je m’en vais vous en donner la liste. — Mme de ***, le chevalier d’Aguesseau, le comte de Broglie, le prince de Beauveau, M. de Rochambeau, etc., etc., etc. ; Mmes de Beauveau, de Boufflers, de Rochambeau, de Martinville, etc., etc., et puis le chevalier de Chatelux, et puis moi enfin, et à la fin. Eh bien ! voyez la différence ; je n’en nommerai qu’un contre vous dix, mais le cœur ne se conduit pas d’après la justice : il est despote et absolu. Je vous le pardonne ; mais revenez.



LETTRE XVIII

Ce jeudi, septembre 1773.

Après avoir attendu plus d’un mois de vos nouvelles, vous m’apprenez que vous avez été bien malade ; et vous croyez rassurer mon amitié en me disant qu’il n’y a point d’inquiétude à avoir, parce que la fièvre vous avait quitté la veille. De bonne foi, croyez-vous que, sur cette assurance, l’âme puisse se calmer ? Hélas ! je le vois trop, vous me traitez comme les gens du monde qui se disent amis, et qui ne sentent rien : ils ne sont agités et occupés que de leur propre intérêt ou de leur sotte vanité ; mais, mon Dieu ! je ne les critique point, je m’afflige de ce que