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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/98

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plus difficile et le plus délicat ; mais son ton, sa manière, ah ! qu’ils sont repoussants ! Ai-je tort ? mais son ami ne lui ressemble point ; oh ! je le crois, et même je le désire ; ce mouvement est-il généreux ! dites. Non, vous ne saurez jamais tout ce que me mande l’ambassadeur ; mais écoutez seulement ceci : Il dit qu’à en juger sur les apparences, M. de G… a obtenu ce que M. de M… et lui désireraient obtenir ; et puis il ajoute : « Je ne crains pas que ces yeux si perçants voient ces mots ; je consens que ceux de M..... lisent cette lettre, comme il lit dans votre âme », etc. ; et puis il ajoute encore cent plaisanteries qui sont pleines de finesse et de gaîté ; il est assurément bien aimable, mais il mérite bien peu d’être aimé. Mon ami, vous me conseilliez hier de ne vous point aimer : est-ce moi ou vous que vous voudriez délivrer de ce malheur ? dites. J’ai un remède infaillible : combien il me sera doux, si je puis penser que je fais quelque chose pour vous !

Mon ami, cette âme qui ressemble au thermomètre qui est d’abord à la glace, et puis au tempéré, et peu de temps après au climat brûlant de l’équateur, cette âme, ainsi entraînée par une force irrésistible, a bien de la peine à se modérer et à se calmer : elle vous désire, elle vous craint, elle vous aime, elle s’égare, et toujours elle est à vous et à ses regrets.



LETTRE XXIII

1774.

Mon ami, en rentrant hier au soir à minuit, j’ai trouvé votre lettre. Je ne m’attendais pas à cette