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Page:Level - Le double secret, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/23

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LE DOUBLE SECRET
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dessinait entre les arbres et la fumée légère qui montait de ses cheminées.

Comme il rêvait ainsi, une voiture passa sur la route. Bien que l’obscurité commençât à tomber, il y reconnut M. Fortier.

— Tiens, se demanda-t-il, où peut-il aller à cette heure ?

Et il suivit des yeux la charrette qui s’éloignait au trot. Un instant, elle disparut derrière un bouquet d’arbres.

— Si elle tourne à droite, réfléchit Philippe, c’est qu’elle va à la gare ; si elle tourne à gauche, c’est à la Roche-au-Roi.

Elle tourna à gauche. Alors, il fit claquer ses doigts et ferma brutalement les volets, juste comme une lumière s’allumait à une fenêtre du premier étage de la Roche-au-Roi.

— Allons, tant pis ! Je partirai donc mardi, dit-il.

VI

Philippe ne partit pas le mardi, et bien d’autres mardis suivirent, sans que l’idée de fuir le préoccupât de nouveau. D’abord espacées, ses relations avec M. Chanteleu étaient devenues fréquentes. Le voisinage, les occasions sans cesse renouvelées de se voir, avaient resserré leur intimité. Tout lui était prétexte pour aller à la maison aux toits rouges, et l’automne approchait sans qu’il s’aperçût que les arbres perdaient leurs feuilles. Un moment, il avait craint les journées brèves, les soirées longues ; maintenant, il aimait l’heure où l’on allumait les lampes, chez lui, parce qu’elle le rapprochait du lendemain, chez M. Chanteleu, parce que, dans l’intimité de la maison tiède, il voyait la lumière passer dans les cheveux d’Anne-Marie. Assis près d’elle, il évoquait les souvenirs de l’été disparu, leur première rencontre, leur retour de la gare et les promenades en forêt. Une