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Page:Level - Le double secret, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/39

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LE DOUBLE SECRET
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l’ascenseur allait s’arrêter, Philippe murmura en pressant la main de sa femme :

— J’aurais dû t’écouter et partir ce soir.

Elle le fixa avec une attention singulière et ouvrit la bouche, mais le gamin du lift leva les yeux, et elle se tut.

Sur les tapis épais, leurs pieds se posaient sans bruit ; le vaste couloir était désert, deux hommes les attendaient devant la porte de leur chambre. Anne-Marie ralentit le pas, posa un doigt sur le bras de son mari et murmura, si bas que sa voix n’était qu’un souffle :

— Écoute, Philippe…

Elle tendait vers lui un visage suppliant, lamentable, ses paupières battaient, ses joues semblaient creuses, ses lèvres décolorées, et les mêmes mots sortirent étranglés de sa gorge.

— Écoute, Philippe…

Il serra sa main à la broyer et répondit entre les dents :

— Au nom du ciel, tais-toi !

— Vous avez votre clé, monsieur ? demanda le commissaire.

— La voici, répondit Philippe en la glissant dans la serrure.

Ils entrèrent. Les lampes allumées, la pièce leur parut étrangère. Les bibelots féminins, quelques dentelles, le contenu d’un secrétaire rangé sur une table, le kimono jeté en travers du fauteuil et les petites mules au pied du lit, ne lui donnaient plus l’aspect intime et presque familier qu’ils lui avaient prêté jusqu’ici. Les radiateurs chauffés à haute pression sifflaient avec un bruit de mouches ; cependant, Anne-Marie frissonna et croisa ses renards sur sa poitrine.

Le commissaire fermait la porte avec soin.

— Monsieur, dit-il en pesant chaque syllabe, ce n’est point par simple fantaisie que j’ai décidé de visiter votre appartement le dernier. Entre le moment où j’ai été prévenu du vol et celui où je me suis rendu sur les lieux, j’ai été informé qu’une personne avait téléphoné dans la journée chez un bijoutier pour demander s’il serait acheteur d’un collier de perles…

Anne-Marie se laissa glisser plutôt qu’elle ne s’assit dans un fauteuil.

— Ces sortes d’affaires, fréquentes dans des villes où on joue comme Nice, Cannes, Monte-Carlo, sont si rares dans la nôtre où l’on ne vient l’été que pour excursionner, l’hiver que pour les sports d’hiver, que la question a surpris le marchand, et que, soit par mesure de prudence, soit qu’il ait eu vent de l’incident du collier, il m’en a rendu compte…

— Je ne vois pas quel rap-