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JE SAIS TOUT

découvert, que nous le veuillions ou non, nous nous regarderons de travers.

Philippe écoutait ces propos sans se mêler à la conversation. Il n’avait qu’une hâte ! remettre à M. Reval son argent, et partir. Comme il passait pour la dixième fois devant le bureau de l’hôtel, il croisa le commissaire de police.

— Eh bien, monsieur, lui demanda-t-il négligemment, toujours rien ?

— Toujours rien.

— Ce voleur est un habile homme.

— Peut-être moins qu’il ne le croit.

— Ah bah ? dit Philippe en s’éloignant avec sa femme qui venait de le rejoindre.

Vers six heures, à l’heure du thé, la dame au collier parut enfin. Son visage était fripé par une nuit d’insomnie, ses yeux gonflés. Bien qu’elle s’efforçât de se montrer affable, elle gardait dans son attitude on ne sait quoi de compassé.

— Nul plus que moi ne déplore tout ce bruit, mais… comprenez… Mettez-vous à ma place…

Certains étaient tentés de lui tourner le dos, mais comme on savait que d’heure en heure, elle téléphonait à la police, on quêtait des renseignements.

— A-t-on des soupçons… Suit-on une piste ?…

Elle pinçait ses lèvres, discrète, énigmatique. On la pressait de questions.

— Je ne peux rien dire… on m’a recommandé… Mais il y aura une surprise.

Et, entraînée par le besoin de se rassurer elle-même, d’assouvir sa soif de justice et de punition, elle glissait à de demi-confidences, soulevant un coin du voile pour le laisser aussitôt retomber. Pas si vite pourtant qu’on ne pût, à la faveur de ces clartés fugitives, imaginer, deviner…

Quelqu’un remarqua l’absence de M. Reval. Elle ne releva pas l’observation. Aussitôt des sourires entendus se dessinèrent, et de petits silences trouèrent le bavardage, car chacun se sentait heureux, au fond, de pouvoir donner corps à des soupçons errants. La dame demeurait impénétrable. Comme Philippe et Anne-Marie frôlaient le groupe où elle pérorait, elle braqua sur eux son face à main, et l’on put voir ses mains chargées de bagues — elle en portait à tous les doigts, de toutes les tailles, — remarquer son corsage étincelant de pierreries, rutilant d’or, ses poignets gras chargés d’anneaux. Instruite par la cruelle expérience, ne se fiant plus à rien ni à personne, doutant des serrures, des cadenas, de la police même, elle portait tout son trésor avec elle. Ce n’était plus une femme, mais une devanture de bijouterie.

— La tortue prudente et sage traîne sa maison sur son dos, souffla M. Reval, qui venait d’arriver.

Elle le toisa d’un regard venimeux. Cependant, Philippe s’approchait vivement de lui.

— Monsieur, voici ce que je vous