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Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/59

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involontairement lut les premiers mots. Il recula de surprise. La nonne, à sa voix, avait retourné la tête ; elle aperçut la lettre dans sa main, et, poussant un cri de terreur, elle s’élança pour la reprendre.

« Arrêtez ! » dit le moine, d’un ton sévère ; « ma fille, je dois lire cette lettre. »

« Alors je suis perdue ! » s’écria-t-elle, en joignant ses mains d’un air égaré.

Aussitôt son visage se décolora ; elle trembla d’agitation, et fut obligée d’entourer de ses bras un des piliers de la chapelle pour s’empêcher de tomber à terre. Le prieur, cependant, lisait les lignes suivantes :

« Tout est prêt pour votre fuite, ma chère Agnès ! Demain à minuit, j’espère vous trouver à la porte du jardin : je m’en suis procuré la clef, et peu d’heures suffiront pour vous mettre en lieu sûr. Qu’aucun scrupule malentendu ne vous pousse à rejeter ce moyen infaillible de vous sauver ainsi que l’innocente créature que vous portez dans votre sein. Rappelez-vous que vous aviez promis d’être à moi longtemps avant de vous engager à l’église, que votre état ne pourra bientôt plus échapper aux regards inquisitifs de vos compagnes, et que la fuite est la seule manière d’éviter les effets de leur ressentiment malveillant. Adieu, mon Agnès ! ma chère femme ! ne manquez pas d’être à minuit à la porte du jardin ! »

Aussitôt qu’il eut fini, Ambrosio fixa un œil sévère et courroucé sur l’imprudente.

« Cette lettre doit être remise à l’abbesse, » dit-il ; et il passa outre.

Ces mots résonnèrent comme la foudre aux oreilles de la nonne ; elle ne s’éveilla de sa torpeur que pour sentir les dangers de sa situation. Elle le suivit à la hâte, et le retint par sa robe.