la suprématie guerrière. Surtout — et c’est par là principalement qu’il choque la conscience moderne — il est fermement convaincu qu’il n’a de devoirs qu’envers ses pairs : qu’il peut agir envers l’esclave et l’étranger comme bon lui semble et les traiter aussi durement ou aussi doucement qu’il lui plaît, sans que cela tire à conséquence. Envers ses pairs, par contre, il a des obligations très strictes : il doit être fidèle dans la reconnaissance comme dans la vengeance, rendre exactement le bien comme le mal ; il doit le dévouement absolu à l’ami et au chef, la déférence au vieillard. Il a le respect inné de la tradition : loin de croire au progrès, il honore le passé et considère avec un préjugé défavorable les jeunes générations. La morale aristocratique est dure et intolérante. Comme les nobles se sentent en général une minorité campée au milieu d’une multitude sourdement hostile, il leur faut à tout prix maintenir intactes, dans leur race, les qualités qui ont assuré leur triomphe : c’est pour eux une question du vie ou de mort ; aussi les coutumes qui ont trait à l’éducation des enfants, au mariage, aux relations entre jeunes et vieux sont-elles fort rigoureuses ; tout est calculé en vue de prévenir la dégénérescence, de maintenir aussi pur, aussi fixe que possible le type primitif de la race. — Enfin une race aristocratique a son dieu en qui elle incarne toutes les vertus qui l’ont conduite à la puissance et à qui elle témoigne par des sacrifices sa reconnaissance d’être ce qu’elle est. Ce dieu, que l’aristocrate conçoit à son image, doit en conséquence pouvoir être utile ou nuisible, ami ou ennemi, bienfaisant ou malfaisant ; il est, en réalité, la « volonté de puissance » qui a guidé les maîtres vers la domination, qui les a faits forts et heureux ; et le culte qu’ils lui rendent est l’expression de leur joie de vivre, du gré qu’ils se savent à eux-mêmes d’être beaux et puissants.
Tout différent est le second des grands types de morale,