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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

de vastes perspectives à l’imagination ou illuminent de lueurs incertaines les profondeurs cachées du moi. À vouloir faire entrer de force dans les cadres d’un système ces aperçus dont chacun à sa vie propre, ne risque-t-on pas de présenter l’œuvre de Novalis sous un jour assez arbitraire et artificiel ?

Tout en sentant pleinement la force de cette objection, j’essaierai tout de même, dans les pages qui vont suivre, de dégager les grandes lignes de cette philosophie incertaine et fuyante. Je crois avoir assez mis en évidence la complexité et la mobilité de la personnalité de Novalis et la multiplicité des influences qui ont agi sur lui, pour ne pas risquer de donner à sa physionomie un aspect trop « unitaire », si je cherche à grouper quelques-uns de ses fragments les plus significatifs en un tout à peu près cohérent. Je ne me dissimule pas ce que cette tentative a de hasardeux. Le « système » que je présente n’embrasse pas, à beaucoup près, tout le champ de la pensée de Novalis. Il n’a nulle part, non plus, été exposé par Novalis sous la forme que je lui donne. Il serait aisé, en prenant un autre point de départ, d’édifier une construction fort différente de la mienne. Je ne crois pas, néanmoins que cette tentative de systématiser la pensée de notre essayiste soit tout à fait vaine. Si nous voulons nous orienter dans le chaos qui sont les Fragments, il faut à tout prix y mettre un certain ordre, même si cet ordre devait être quelque peu artificiel.