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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

monde de la matière soumis à la nécessité, obéissant à des lois immuables. De l’autre côté le monde des Esprits, règne de la liberté et du « miracle ». L’homme peut être considéré comme une réduction de l’univers, un microcosme, ou l’univers comme un agrandissement illimité de l’homme, un « macroanthrope ». L’univers nous apparaît ainsi comme un immense organisme constitué par d’innombrables individus qui naissent, se développent et meurent, impliqué lui-même dans un perpétuel devenir. Entre ces individus que sépare la loi rigoureuse de l’individuation, pas de communication directe. Pas de communication directe non plus entre la sphère de la nature et celle des Esprits. L’une est entièrement déterminée, l’autre entièrement libre. La pensée ne peut exercer aucune action immédiate sur la nature, elle ne peut rien sur les fatalités qui gouvernent le monde des choses. Et les nécessités naturelles, inversement, sont sans prise sur l’inamissible liberté de l’Esprit.

Mais cette conception naïvement réaliste que les hommes se font communément du moi et de l’univers est, pour Novalis, purement illusoire. Illusion le dualisme et l’individuation. Il n’y a pas entre les individus de barrière immuable. Et surtout : il n’y a pas en face de l’Esprit une réalité de même importance, la Nature, distincte de l’Esprit et soustraite à son action. C’est là un mirage qu’il faut travailler