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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

à dissiper. L’Esprit et la Nature ou la Matière sont deux aspects complémentaires d’une seule et unique réalité. Cette réalité primordiale, Novalis la compare à une solution trouble. Lorsqu’une solution de ce genre se décompose on voit se déposer au fond du vase un précipité solide, tandis que, en même temps, le liquide qui subsiste devient plus clair : il se produit ainsi à la fois une précipitation et une clarification. On peut, d’une manière générale, dire que ces deux phénomènes, sont corrélatifs. Or, de même qu’il n’y a pas de précipitation sans clarification, ni de clarification sans précipitation, il n’y a pas d’Esprit sans matière ni de matière sans Esprit. L’effort de l’homme doit donc aller à redevenir conscient de l’unité fondamentale de l’Esprit et de la Nature, du monde de la liberté et du monde de la nécessité. Il faut qu’il sache transmuer le sujet en objet, la pensée en matière ou inversement transmuer l’objectif en subjectif, la matière en pensée. « Notre corps, dit Novalis, doit devenir libre (c’est-à-dire affranchi de toute nécessité organique) et notre âme organique ». L’art de pratiquer cette double opération est ce que Novalis appelle la « magie ». Le « mage idéaliste » est l’homme qui est ainsi parvenu à changer la pensée en objet et l’objet en pensée, à spiritualiser son corps et à matérialiser ses idées, en un mot à restituer dans son originelle intégralité l’unité, aujour-