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DOCTRINE RELIGIEUSE DE NOVALIS

nité n’est pas achevée, aux yeux de Novalis et de ses amis romantiques : elle est « en voie de croissance ». Les Évangiles sont « l’ébauche d’Évangiles futurs et supérieurs ». Tout vrai livre est une Bible s’il est inspiré par l’esprit de sainteté. L’ambition de Novalis, lorsqu’il jette sur le papier ses esquisses pour une Encyclopédie ne va à rien moins qu’à écrire « une Bible scientifique, modèle et germe à la fois réel et idéal de tous les livres ». Peu lui importe donc, au fond, la valeur de la Bible en tant que témoignage historique. « L’histoire du Christ est tout aussi certainement un poème qu’une histoire ; d’une façon générale, il n’y a de véritable histoire que celle qui peut aussi être une fable ». Et ce caractère de fiction poétique que présentent les livres sacrés n’est pas du tout, dans la pensée de Novalis, une infériorité. C’est au contraire la marque décisive de leur supériorité. La Bible n’est pas un livre saint quoique légendaire, mais parce que légendaire, mythologique, proche du Conte poétique, du Mærchen.

Et si Novalis n’a pas la superstition de la tradition historique, il a encore beaucoup moins celle du dogme. Il se refuse à emprisonner en des formules immuables le contenu de l’expérience religieuse, la mobilité de l’imagination pieuse. La foi dans le Christ, même, n’est pas érigée par lui en dogme absolu et intangible. L’homme, sans