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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

rable poème en prose, écrit dans une langue merveilleuse, imprégnée d’une beauté véritablement musicale. Wilhelm Meister lui apparaît, en un mot, comme une sorte de « Somme » poétique de la culture moderne tout entière. Ce n’est pas un roman, c’est le roman par excellence.

Or ce jugement est celui de tout le cercle des premiers romantiques. Partout le chef-d’œuvre de Gœthe est lu, admiré, imité. De toute part on voit surgir des imitations. Dans le Titan de Jean-Paul, dans le Sternbald de Tieck, dans la Lucinde de Frédéric Schlegel, dans le Florentin de Dorothée Veit, pour ne parler que des œuvres les plus connues, l’influence de Wilhelm Meister apparaît d’une façon irrécusable.

Cette influence s’observe aussi très distinctement chez Novalis. Il dévore le roman dès son apparition, à partir de 1795, si nous en croyons le témoignage de son ami le bailli Just. Son journal intime après la mort de Sophie, montre en tout cas qu’en 1797, il l’étudie minutieusement et le prend à tout instant pour thème de ses méditations. Il arrive à le connaître presque par cœur. Et il commence par l’admirer passionnément.

Il y voit d’abord ce que l’on pourrait appeler l’éducation esthétique de l’idéaliste. Wilhelm Meister est en effet idéaliste au début du roman de Gœthe et il reste idéaliste au dénouement. Dans l’in-