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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

tervalle il a appris l’art de « vivre en beauté ». Il a reconnu que, s’il est en droit de mépriser la platitude de la vie bourgeoise vouée au commerce, à la poursuite du gain, aux jouissances matérielles, il ne trouvera, d’autre part, la vie en beauté ni chez les comédiants bohèmes et médiocres d’âme, ni chez les représentants frivoles et dégénérés de l’aristocratie de naissance, ni même chez la « belle âme » absorbée dans la contemplation de son moi et dans un souci infécond de perfection intérieure, mais bien auprès des aristocrates supérieurs comme Lothario ou Nathalie, chez qui la spiritualité sous sa forme la plus haute s’allie harmonieusement à l’activité créatrice, au dévouement fécond à la collectivité. L’enthousiaste naïf qu’est Wilhelm à son entrée dans la vie apprend ainsi à reconnaître que le véritable idéaliste est l’homme capable de créer le Beau et le Bien par un effort de volonté libre et réfléchie. Or c’est là une idée chère entre toutes à Novalis. Aussi exalte-t-il d’abord la grande œuvre de Gœthe en des accents presque lyriques. Wilhelm Meister lui paraît essentiellement « romantique » par sa morale et sa philosophie. Surtout il y voit une œuvre d’une forme achevée et définitive qui se révèle par la magie du style, « par la caresse insinuante d’une langue polie, agréable, simple et cependant variée dans l’expression », par le choix et la répartition des épithètes, par la maîtrise dans