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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

Au total : « un livre néfaste et stupide, plein de prétention et de préciosité, prosaïque au suprême degré pour ce qui est de l’esprit, si poétique qu’en soit la forme, un pamphlet contre la poésie et la religion ».

Novalis flotte ainsi, à l’égard de Wilhelm Meister, entre l’enthousiasme et l’exaspération. Il y trouve un modèle accompli du roman, un spécimen merveilleux et unique d’une forme littéraire nouvelle, une œuvre poétique entre toutes au point de vue de la forme. Il salue en Gœthe le grand initiateur de la poésie moderne. Mais il s’irrite de voir la virtuosité prodigieuse de ce maître de la technique poétique au service d’une conception de la vie qu’il exècre et qu’il méprise. Le roman gœthéen s’impose à son respect et à son imitation. Et en même temps il reconnaît avec une croissante évidence que le roman « romantique » dont l’idéal flotte devant son imagination, doit être quelque chose de tout différent, quelque chose d’opposé même à ce Wilhelm Meister qu’il aime et qu’il hait tout à la fois.

II

La première tentative de Novalis pour exprimer ses intuitions sous la forme d’une fiction romanesque date de l’époque où il étudiait les sciences naturelles à Freiberg sous la direction de Werner